Catégorie : Enjeux

Fort McMurray et autres conséquences 3 de 3

Si vous n’avez pas lu les deux premiers billets de cette série, vous pouvez les trouver en suivant ces liens et ainsi profiter de la suite logique de cette trilogie que j’ai nommée Fort McMurray et autres conséquences.

Dans le premier, je vous présente une photo qui m’a profondément touchée et qui a été le déclencheur de cette série, tandis que dans le deuxième, je vous partage un conte afin de mettre la table pour ce troisième billet.  Nous y voici donc.

Partie 3 de 3.

Je finissais l’article d’hier en nommant que la majorité majorité d’entre-nous sommes les pires locataires que la Terre peut avoir et que si elle prenait son rôle de propriétaire au sérieux nous aurions probablement déjà été expulsés.

Au canada, nous avons la garde et la RESPONSABILITÉ d’un exceptionnel territoire rempli de forêts, de lacs et de grands étendus sauvages.

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Crédit photo: Jean-Guy Dallaire on Flickr

Qu’en faisons-nous?  Nous le prenons pour acquis.  Nous le considérons uniquement comme une possession que nous pouvons utiliser comme bon nous semble.  Bois, pétrole, minerais, territoire de chasse sportive.  Voilà comment nous le voyons.

J’aime bien comment l’écrivain Bernard Werber parle de la Terre dans sa trilogie Troisième humanité:

« La meilleure manière de faire comprendre une autre écologie serait d’imaginer une communication directe avec ce sur lequel nous marchons. Nous aurions ainsi enfin accès à ce que pense la Terre des hommes qui la saupoudre. Pour elle nous sommes une espèce jeune, envahissante, dépourvue de système d’auto régulation mais avec d’immenses potentiels dus à la maîtrise des technologies notamment de communication et de voyage dans l’espace.
Elle croit en nous. Elle espère beaucoup de nous. A sa manière elle nous aime. Mais si on la blesse elle se défend. »

Cette semaine dans les réseaux sociaux j’ai vu, tout comme vous j’en suis certaine, toute sorte de trucs passer au sujet de Fort McMurray.  Même un tweet comme quoi cet incendie était une conséquence du karma.

Peut-être (sûrement) est-ce épouvantable de parler de karma lorsque tant d’humains sont confrontés aux forces surhumaines du feu et de la nature en furie.  Mais en quelque part, karma it is.  Pas nécessairement, ni uniquement envers les citoyens de Fort McMurray et leur implication dans l’industrie du pétrole (industrie pour laquelle le bien-être de notre planète et de tout ce qui y vit prend le bord), mais bien pour tous les humains de cette Terre et cette fois, particulièrement pour les nord-américains et encore plus directement pour les canadiens.

On dit souvent que les ados se pensent invincibles et font des choix et des gestes dangereux parce qu’ils pensent que rien ne peut leur arriver.  Tout comme nos voisins du sud et bien d’autres pays cupides, le Canada est une nation adolescente, aveuglée par la chasse à l’argent et qui en perd tout sens de prudence et de respect.

J’en entend déjà qui soupirent.  Je vous calme le soupirage tout de suite.  Je n’ai absolument rien contre l’argent et j’aime et j’apprécie l’abondance autant que vous. L’argent est une énergie terrestre qui aide à matérialiser nos rêves et désirs.  Qui aide également à combler nos besoins.

Là n’est pas le problème.

Le problème n’est pas l’argent.  Le problème c’est une grosse, très grosse, gang de gens qui ont arrêté d’écouter leur coeur et leur gros bon sens.  Des gens qui vendraient leur mère si ils pouvaient faire de l’argent avec.  En fait, c’est EXACTEMENT ce qu’ils font!  Ils violent et vendent leur Mère, notre Mère à tous, celle qui est sous nos pieds.  Cette Mère qui nous héberge et nous nourrit est aussi la mère des grands fleuves, des océans, des arbres, des loups, des rivières sauvages, des minerais qui se cachent sous sa peau, du pétrole qui coule dans ses veines et de tout ce qui nous entoure ici, dans cette incarnation terrestre.

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rédit photo: Elias Schewel on Flickr

Curieusement, l’humain semble croire que le minerais et le pétrole qui se cachent sous la croûte de la Terre ont été mis là pour lui et qu’il peut consommer sans se questionner les nombreuses (qui sont de moins en moins nombreuses) ressources de notre Mère.

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Je sais que je ne vous apprends rien.  L’homme rase les forêts, pollue les cours d’eau, tue les animaux et contamine l’air, comme si il avait oublié que tout cet équilibre était nécessaire à sa propre survie.

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Nous sommes microscopiques et faibles face aux forces des éléments et de notre Terre. Nous sommes comme des enfants mal élevés qui pillent le garde-manger sans le consentement de leur mère et qui s’étonnent qu’elle se choque.

Je rêve du jour où CHAQUE homme et femme d’affaire va réfléchir avant de prendre des décisions, non pas uniquement pour son portefeuille ou celui de sa compagnie, mais aussi *surtout* pour la planète, pour les enfants qui vont suivre, pour le futur, pour les sept prochaines générations.

Je rêve du jour où chaque homme et chaque femme choisira consciemment d’utiliser sa puissance de choix de façon respectueuse pour cette planète qui nous porte depuis la nuit des temps.

Je rêve du jour où nous serons tellement en paix avec nous-même que nous calmerons notre appétit vorace et notre cupidité avant qu’ils nous mènent à notre perte.

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Crédit photo: Caroline on Flickr

Je rêve.

En espérant que ce rêve devienne réalité…

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Mariepierre

« Triste ironie dans l’Ouest canadien. Les feux de forêt qui ravagent actuellement la région de Fort McMurray, épicentre de l’exploitation des sables bitumineux, devraient être de plus en plus nombreux au cours des prochaines années, en raison des impacts des bouleversements climatiques provoqués en bonne partie par notre dépendance aux énergies fossiles. »  – Natasha Kanapé Fontaine

 

 

 

Fort McMurray et autres conséquences 2 de 3

Hier je vous partageais une photo prise lors de l’évacuation de Fort McMurray.  Cette photo m’a profondément touchée et m’a donné l’élan pour écrire cette série de trois articles.

Voici donc aujourd’hui le deuxième de trois.

Avant d’aller plus loin dans mon partage, j’ai une histoire à vous raconter.
Imaginons le scénario suivant:

Vous êtes propriétaire d’une magnifique maison où vous avez habité avec votre famille durant plus de quarante ans.  C’est vous qui avez choisis les boiseries travaillées de mains d’artisans chevronnés, les meubles de grande qualité et c’est vous qui avez travaillé à la sueur de votre front afin que le  terrain regorge de fleurs, d’arbres et de plantes que vous avez collectionnez et pris soin depuis plus de quarante ans. 

Malheureusement, vous devez quitter le pays et vous décidez, parce que cette maison vous tient à cœur et que vous rêvez de pouvoir venir y habiter de nouveau éventuellement, de louer et de confier votre domaine à une famille qui vous a été recommandée par un confrère de travail qui travaille avec les parents.  Éduqués, ingénieux et intelligents, ils sont tombés en amour avec votre propriété.  Vous êtes content parce qu’avec le coup de foudre qu’ils ont eu pour votre maison et son terrain, vous êtes certain qu’ils en prendront bien soin.  Vous avez mis tellement de temps et d’énergie afin de rendre votre propriété verte, accueillante et confortable…

Après de longs mois d’absence outre-mer, vous passez dans le coin et décidez de leur rendre visite.  Ce que vous constatez vous fige sur place. 

Photo par Mattdwen on Flickr

Non seulement ils n’ont pas pris soin de votre domaine, mais ils l’ont détruit.  Toutes les plantes et arbres ont été arrachés.  Toutes vos précieuses boiseries ont été utilisées pour alimenter les feux de camp du vendredi soir.  Vos meubles sont ruinés, sales, déchirés et brisés au-delà de la possibilité de les réparer.  La maison est dégoûtante, de nombreux murs sont remplis de trous, les rideaux sont en grande partie déchirés et partout la saleté et la crasse règnent en maîtres.  Vous êtes anéanti.  Vous vous promenez dans la maison, constatant que pièces après pièces l’ampleur des dégâts est la même.  Vous êtes furieux, et avec raison.  Tout en continuant votre inspection des lieux, vous décidez sur le champ que vous les expulserez le plus rapidement possible.

Rendu au bout du couloir du deuxième étage, vous arrivez à la dernière pièce, la petite chambre du fond.  Quelque chose vous semble différent.  Vous ouvrez doucement la porte et constatez qu’il s’agit de la chambre de la petite benjamine de cette famille.  Curieusement, sa chambre est magnifique.  Propre, bien entretenue, avec toutes ses boiseries intactes, ses meubles en bon état, etc.  Les questions se bousculent dans votre tête.  Vous vous apprêtez à refermer la porte quand vous entendez de petits pas derrière vous et une petite voix qui vous dit:  « Est-ce que tu la trouve belle ma chambre? » 

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  Photo par Anaïs on Flickr

Vous ne savez trop quoi répondre à cette jeune enfant qui vous regarde.  Bien sûr que cette chambre est magnifique!  Mais comment se fait-il que c’est l’unique pièce de la maison qui soit dans cet état?  En parlant avec la petite fille vous apprenez qu’elle est la seule de sa famille pour qui les lieux où ils vivent et la responsabilité de l’état dans lequel ils les maintiennent ont de l’importance. Elle continue en expliquant que pour ses parents et ses frères et sœurs plus âgés, seul le gain immédiat et le bon temps instantané importent. 

Elle vous explique que les plantes ont été arrachées et vendues pour que ses frères puissent s’acheter un quatre-roues (c’est d’ailleurs ce qui a détruit la pelouse…); les arbres ont été coupés parce qu’ils faisaient de l’ombre qui empêchait ses sœurs de se faire bronzer; l’intérieur de la maison est dans cet état délabré parce que ses parents étaient trop occupés avec leur entreprise pour réaliser que leur petit paradis sur terre se dégradait à une vitesse de plus en plus folle, principalement à cause de trop nombreuses fêtes de débauche que les aînés organisaient. 

Mais vous, vous savez que curieusement, leur entreprise fleurit!  Vous comprenez qu’ils étaient tellement occupés à y veiller qu’il ne voyait plus leurs enfants et l’environnement dans lequel ils vivaient. 

En apprenant tout ça, vous vous êtes laissez glisser le long du mur et vous êtes là, assis par terre, sans mot.  Doucement la petite fille prend votre main et vous dit: « Je sais que vous allez nous demander de partir et c’est correct.  Je comprends.  C’est toujours ce qui finit par arriver quand nous louons une maison.  Mais c’est dommage, je l’aimais bien moi votre maison… » et sur ces mots, elle tourne les talons et détale. 

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By Freaktography on Flickr

La suite est facile à deviner.  Vous avez envoyez un avis d’expulsion aux parents qui ne semblaient pas comprendre ce qui vous mettait hors de vous comme ça.  Pour eux, tout ça se rebâtit, il n’est pas nécessaire d’en faire tout un plat… 

Quelques semaines plus tard, alors qu’ils viennent de quitter, vous retournez sur les lieux.  Plus rien ne sera comme avant.  Les dégâts sont trop grands…

Mais pourquoi vous raconter cette histoire?  C’est quoi le lien avec Fort McMurray?

C’est que nous les humains, du moins la grande majorité d’entre-nous, sommes les pires locataires que la Terre peut avoir.  On trouve ça horrible quand des catastrophes arrivent mais on a la fâcheuse tendance de se déresponsabiliser et de croire que nous n’avons rien à voir avec les colères de la nature.

Si la Terre était propriétaire et nous ses locataires, nous aurions déjà été expulsés non?

On tire son jus, on rase ses forêts et on tuent ses animaux, tout ça les yeux fermés.
Et ensuite on pleure quand elle se fache….

Pfffff….

J’en garde pour demain.  Pour le dernier article de cette série.

À+

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Mariepierre